Qu’est-ce que Virgo?

L’instrument Virgo

Virgo est un interféromètre gravitationnel, c’est-à-dire un genre de télescope conçu pour détecter des ondes gravitationnelles provenant de phénomènes astrophysiques dans lesquels la gravité joue un rôle important, comme des explosions de supernova ou des fusions d’étoiles. Cependant, les ondes gravitationnelles sont très différentes de toute sorte de lumière. Par conséquent, Virgo ne ressemble pas du tout à un télescope classique.

Virgo est une machine très sophistiquée basée sur des technologies de pointe, fondamentales pour détecter ces signaux gravitationnels extrêmement faibles. En fait, le passage d’une onde gravitationnelle induit une déformation d’une milliardième de milliardième de mètre dans les bras de 3 km de Virgo. Qu’est-ce que ça représente ? Moins d’une millième de la taille d’un proton !

Virgo est conçu comme un interféromètre laser kilométrique, c’est-à-dire un instrument qui utilise les interférences de deux faisceaux laser pour mesurer de minuscules déplacements et déformations. Le schéma optique est basé sur l’interféromètre construit par les physiciens américains Albert A. Michelson et Edward W. Morley à la fin du 19ème siècle pour détecter le mouvement de la Terre dans l’éther. L’illustre expérience de Michelson-Morley prouva que l’éther n’existait pas et que les ondes électromagnétiques pouvaient se propager dans le vide. Ce resultat a été un grand pas en avant vers la formulation de la théorie de la relativité restreinte publiée par Albert Einstein en 1905.

Comme un grand « cousin » de l’interféromètre de Michelson-Morley, Virgo est constitué de deux bras perpendiculaires de 3 km de long. Un bras est orienté sud-nord et l’autre est-ouest.

Schéma optique simplifié de l'interféromètre Virgo (Crédits : Collaboration Virgo)

Schéma optique simplifié de l’interféromètre Virgo (crédits : Collaboration Virgo).

A l’entrée du détecteur Virgo, un faisceau laser arrive sur un miroir semi-réfléchissant, appelé séparatrice (BS) et tourné de 45°, qui le sépare en deux faisceaux envoyés dans deux tubes à vides de 3 km dans les bras de l’interféromètre.
Le laser utilisé dans Virgo est très puissant. La première version de Virgo utilisait un laser de 20 watt qui fournissait un faisceau de 10 watt à l’entrée de l’interféromètre. Dans Advanced Virgo, le laser aura une puissance de 200 watt et fournira un faisceau de 125 watt à l’entrée de l’interféromètre. Ceci représente une puissance des centaines de milliers de fois plus grande qu’un pointeur laser standard. De plus, le laser émet de la lumière infrarouge avec une longueur d’onde de 1064 nanomètres et est extrêmement stable en longueur d’onde et en puissance. Le faisceau laser fait quelques centaines d’aller-retours dans les tubes sous ultra-vide des bras de l’interféromètre.

Le tube à vide nord de Virgo, d'un diamètre de 1.2 m, dans le tunnel de 3 km de long (crédits: Collaboration Virgo).

Le tube à vide nord de Virgo, d’un diamètre de 1,2 m, dans le tunnel de 3 km de long (crédits: Collaboration Virgo).

Le faisceau laser est réfléchi sur des miroirs, placés à chaque extrémité des tubes ouest (WE) et nord (NE). Ces deux miroirs de 40 kg sont parfaitement polis et réfléchissent 99,999% de la lumière incidente. Les deux faisceaux réfléchis se recombinent sur le miroir à 45°, produisant une figure d’interférence. Celle ci est observée par un photodétecteur, un élément qui convertit la lumière incidente en courant électrique, qui est ensuite amplifié, converti en tension, enregistré numériquement et enfin analysé.

Quand une onde gravitationnelle passe à travers le détecteur, l’espace-temps, et par conséquent les distances des deux bras kilométriques, sont étirés et compressés alternativement. Les franges d’interférences se mettent à « clignoter » très légèrement à la fréquence de l’onde gravitationnelle. Ce battement, mesuré par le photodétecteur, est analysé attentivement à l’aide d’algorithmes tournant sur une ferme de calcul hébergée sur le site d’EGO. La principale difficulté consiste à distinguer les signaux d’ondes gravitationnelles réels et extrêmement faibles des faux signaux que les physiciens appellent des « bruits ».

Il y a de nombreux types de bruits dans un détecteur tel que Virgo, par exemple le bruit sismique généré par les mouvement locaux du sol et le bruit thermique produit par le mouvement des atomes à la surface des miroirs du fait de leur température non nulle. Tous ces effets font vibrer le miroir ou font croire à un mouvement du miroir, imitant par conséquent le signal produit par une onde gravitationnelle.

L’interféromètre Virgo a été conçu avec une attention particulière pour réduire ces bruits instrumentaux. Afin de réduire la propagation des vibrations sismiques et accoustiques, tous les miroirs sont suspendus à une chaine d’atténuateurs (jusqu’à 8) et placés sous vide. Chaque étage du pendule atténuant les vibrations d’un facteur 100, les vibrations sismiques atteignant les miroirs sont 1016 fois moins importantes que les vibrations initiales du sol.

Schéma d'un superatténuateur

Schéma d’un « superatténuateur » : une chaine de pendules à laquelle est suspendu un miroir de Virgo (crédits : collaboration Virgo)

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