Des technologies de pointe

La détection des ondes gravitationnelles est une tâche extrêmement difficile : les signaux attendus sur Terre sont extrêmement faibles (même si ils ont été produits par des événements très violents dans l’univers), et chaque mesure est affectée par différents types de bruit. C’est un état courant en physique moderne, et Virgo ne fait pas exception. Par conséquent, pour atteindre ses objectifs scientifiques, l’interféromètre Virgo utilise des technologies modernes de pointe dans beaucoup de domaines différents, en particulier en optique, mécanique, électronique et dans l’ultra-vide.

Les miroirs de Virgo, d’un diamètre de 35 cm, ont une surface quasiment parfaite

Les grands miroirs d’Advanced Virgo ont une rôle décisifs dans le détecteur. Ainsi, pour être le plus sensible possible aux ondes gravitationnelles, il faut perdre le moins possible de lumière laser dans le détecteur. Pour réaliser ce défi, les trois ingrédients d’un miroir, le substrat, le polissage et le revêtement de surface, sont tous à la pointe de la technologie :

  1. le substrat est fait avec le verre le plus pur du monde (c’est un quartz synthétique appelé « silice fondue »). Ce verre absorbe très peu la lumière et est homogène et uniforme dans toutes les directions. Et ces propriétés exceptionnelles sont présentes même sur un miroir de taille relativement grande. Par exemple, les miroirs formant les cavités de 3 km dans les bras de l’interféromètre ont un diamètre de 350 mm, une épaisseur de 200 mm et pèse 40 kg.
  2. le polissage, qui met en forme la surfce miroir, est fait au niveau atomique : sur la partie centrale du miroir, les plus grands défauts de surface atteignent à peine une hauteur de cinq atomes.
  3. enfin, le revêtement de surface est réalisé pour avoir des miroirs réfléchissants. Le révêtement est ajusté précisément afin que le miroir ait la réflectivité désirée pour la longueur d’onde du laser tout en ayant moing de 0,0001% de la lumière laser perdue quand elle est réfléchie sur le miroir (par absorption, transmission résiduelle ou diffusion). The revêtement ultra-précis est fait dans une machine unique dans un laboratoire de la collaboration Virgo à Villeurbanne (Laboratoire des Matériaux Avancés). Le revêtement de surface des miroirs des interféromètres LIGO est aussi réalisé dans ce laboratoire.

La recherche des ondes gravitationnelles nécessite des miroirs extrêmement précis, qui pousse dans ses retranchements les technologies de construction des miroirs. D’autres expériences de physique ayant besoin de miroirs presque parfaits, allant de l’astronomie solaire à des mesures de physique quantique, bénéficient aussi des nouveaux développements initiés par le projet Advanced Virgo.

Beam-splitter preparation at LMA (2014)

Photo d’un miroir d’Advanced Virgo de 550 mm de diamètres (la séparatrice de l’interféromètre) en cours de préparation dans une salle blanche du LMA.
Credit: Virgo Collaboration/LMA/L. Pinard

Advanced Virgo end mirrors (2015)

Les deux miroirs de bout de bras d’Advanced Virgo une fois le revêtement de surface appliqué au LMA.
Credits: Virgo collaboration/LMA/L. Pinard

Les miroirs de 40 kg de Virgo sont suspendus par de fins fils en verre

Du fait de leur température non nulle, les atomes et molécules des miroirs et des fils de suspensions vibrent, ce qui génère des vibrations de la surface du miroir pouvant se faire passer pour une onde gravitationnelle traversant l’interféromètre. La manière dont les grands miroirs d’Advanced Virgo sont suspendus est cruciale pour réduire ce bruit thermique.

Des fils de suspensions réalisés avec le même verre (silice fondue) que les miroirs ont été développés pour réduite le bruit thermique dû au pendule des miroirs suspendus. Ces suspensions sont appelées monolithiques car les fils sont soudés aux miroirs et que les deux sont faits dans un même matériau, de la silice fondue. De par cette conception, les frictions au point de contact entre le miroir et le fil, sources de bruit thermique, sont réduites. Avec ces suspensions monolithiques, la dissipation est si faible que le pendule peut osciller dans le vide pendant des mois avant de s’arrêter. De plus, les fils en silice fondue ont une forte résistance à la rupture, environ deux fois plus grande que celle de fils en acier. Cette résistance est très importante car la suspension doit résister aux tensions mécaniques dues aux oscillations du miroir lui-même et aux éventuels chocs mécaniques du miroir sur le matériel environnant.

Le matériau de la suspension doit être contrôlé et produit avec précision, et manipulé avec attention. De ce fait, les fibres de verre (0,4 mm de diamètre et 0,7 m de long) sont produites directement dans nos laboratoires à Cascina à l’aide d’une machine utilisant un laser, puis testées avec une très haute précision et de façon reproductible.

Une technique particulière de collage chimique (collage à verre de silicate) a aussi été développée pour fusionner ensemble les composants en verres en un élément unique. Ce type de suspension peut sembler très fragile, mais, au contraire, est très résistant le long de le fibre. Cependant, il faut éviter tout choc latéral sur les fibres elles-même.
Ce type de suspension est particulièrement utile pour tout instrument ayant besoin de très faibles dissipations mécaniques et thermiques. Le matériau de grande qualité et la flexibilité de la structure géométrique peuvent être utilisés dans de nombreuses applications de précision.

Advanced Virgo payload with a monolithic suspension (October 2015)

Miroir de 42 kg (avec un film de protection rose) suspendu par quatre fibres de silice fondue.
Crédits: collaboration Virgo

Advanced Virgo monolithic suspension, detail around an anchor (October 2015)

Zoom sur une « ancre » collée sur un côté du miroir de 42 kg et accrochée de façon monolithique à deux fils très fins de silice fondue utilisés pour suspendre le miroir.
Crédits: collaboration Virgo

Virgo est une table optique kilométrique suspendue et placée sous ultra-vide

L’interféromètre Virgo est une immense table optique suspendue et placée sous ultra-vide. Chaque élément optique est suspendu à un système d’isolation sismique installé dans une enceinte à vide. Deux types de suspensions ont été développées. Les miroirs et deux bancs optiques principaux de l’interféromètre sont suspendus aux « super-atténuateurs », installés dans des « tours » à vide d’une dizaine de mètres de haut. Pour Advanced Virgo, cinq bancs optiques supplémentaires utilisés pour mesurer les faisceaux sortants de l’interféromètre ont été suspendus au « système d’atténuation sismique multi-étage » et accueillis dans des « minitours » à vide de plus de trois mètres de haut. Les tours à vide sont reliées entre elles par des tubes à vide pour le passage du faisceau laser. Les plus grands tubes de Virgo, reliant les deux tours des cavités Fabry-Perot font 3 km de long et 1,2 m de diamètre. Ceci fait de Virgo une immense chambre à vide de 6800 m3.

L’ultra-vide dans les grands tubes et autour des miroirs est nécessaire pour deux raisons. Les molécules d’air résiduelles, en tapant sur les miroirs, induiraient de minuscules déplacement des miroirs ; de plus, les interactions du faisceau laser avec ces molécules modifiraient son trajet et lui feraient perdre de sa puissance. Tout ceci perturberait la mesure des ondes gravitationnelles. Par conséquent, les tubes de 3 km de long dans lesquels circule le faisceau laser ont été vidés pour atteindre la pression extrêmement faible de 10-12 atmospheres (100 fois moins que pour le détecteur Virgo initial).

Pour atteindre des pressions si faibles, des procédés métallurgiques comme la désorption d’hydrogène à 400°C ont été développés pour fabriquer les enceintes à vide. De plus, pour éliminer la vapeur d’eau dans les tubes de 3 km de long, ils seront chauffés à 150°C pendant un mois chacun et des pièges à froids ont été installés pour Advanced Virgo à chaque extrémité des tubes pour stopper les molécules d’eau qui pourraient migrer des tours non chauffées vers les tubes. Bien que les tubes soient isolés thermiquement, une puissance de près de 1 MW est nécessaire pour chauffer chacun des tubes de 3 km.

Les bancs optiques contiennent beaucoup de miroirs, de lentilles et de capteurs (photodiodes et caméras). Dans Virgo, ces éléments optiques vibraient légèrement du fait des vibrations sismiques et des sons présents dans l’environnement des bancs. Ceci limitait la sensibilité de Virgo aux ondes gravitationnelles. Afin de réduire ces vibrations, les nouveaux bancs d’Advanced Virgo, qui pèsent environ 320 kg, ont été suspendus et placés sous vide, comme les grands miroirs.

View of the superattenuators, platform and scaffholding inside Virgo central building (January 2016)


Cinq miroirs de l’interféromètre et deux bancs optiques sont suspendus aux super-atténuateurs du bâtiment central de Virgo.
Crédits: Cyril Frésillon/Virgo/Photothèque CNRS

Advanced Virgo optical bench suspended inside its minitower (2016)


Cinq nouveaux bancs optiques d’Advanced Virgo sont suspendus à un atténuateur et placés sous vide afin de les isoler des vibrations du sol et des sons environnementaux.
Crédits: Cyril Frésillon/Virgo/Photothèque CNRS

The Virgo north vacuum tube, 1.2 m in diameter, inside its 3 km long tunnel


Le tube à vide nord de Virgo, de 1,2 m de diamètre, dans la gallerie de 3 km de long.
Crédit: collaboration Virgo

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