Advanced Virgo

Advanced Virgo est un détecteur interférométrique d’ondes gravitationnelles en fonctionnement à l’European Gravitational Observatory (EGO), à Cascina près de Pise en Italie. Il peut observer des ondes gravitationnelles dans une large gamme de fréquences — de quelques dizaines de Hz à plusieurs kHz. Pour en savoir plus sur les sources d’ondes gravitationnelles que Virgo recherche, vous pouvez visiter cette page.

Advanced Virgo est un interféromètre laser dont les bras perpendiculaires font trois kilomètres de long et dont les miroirs sont suspendus. Son schéma optique est présenté sur la Figure 1.

Schéma optique de Advanced Virgo pendant la prise de données O3. Sont indiqués la source laser, la cavité mode cleaner d'entrée ("Input Mode Cleaner"), le miroir de recyclage de puissance ("Power Recycling Mirror"), la lame séparatrice ("Beam Splitter"), les deux cavités optiques de 3 km de long (appelées "bras" : "arms" en anglais) disposées à angle droit, les masses test ("Test Masses" : les miroirs) suspendues à l'entrée ("Input") et à la fin ("End") de ces cavités, la lentille ("Lens") SR, l'injection d'états compressés de la lumière ("Squeezed Vacuum Injection") et les photodiodes de détection.

Figure 1 : Schéma optique d’Advanced Virgo lors de la prise de données O3 (2019-2020). [Crédits : la Collaboration Virgo]

Le faisceau laser d’entrée, issu d’une source à bas bruit dont la longueur d’onde est de 1064 nm (dans l’infrarouge proche), est filtré géométriquement et voit ses fluctuations d’amplitude et de pointé encore réduites grâce à une cavité optique triangulaire de 140 m de long, appelée Input Mode Cleaner. Ensuite, le faisceau est séparé en deux parties égales par une lame séparatrice 50%-50% : le Beam Splitter. Les faisceaux ainsi produits se propagent chacun dans un des deux « bras » perpendiculaires de 3 km de long, au bout desquels ils sont réfléchis par un miroir de fond en direction de la lame séparatrice. Là, ils produisent des interférences, potentiellement sensibles au passage d’une onde gravitationnelle, qui sont mesurées en sortie de l’instrument par une photodiode. Pour amplifier le décalage de phase observable lors de l’interférence des deux faisceaux (et donc l’amplitude du signal induit par le passage d’une onde gravitationnelle), on augmente la longueur du chemin optique parcouru par les deux faisceaux avant qu’ils ne se recombinent. Pour cela, on insère dans chaque bras une cavité optique Fabry-Perot dans laquelle le faisceau fait de nombreux allers-retours avant d’en ressortir et d’aller interférer avec le faisceau venant de l’autre bras. Ainsi, chaque bras contient un miroir d’entrée suspendu (« Input Test Mass ») et un miroir de sortie suspendu (« End Test Mass »). La « finesse » de ces cavités vaut environ 450, ce qui veut dire que la longueur effective du trajet des deux faisceaux est 290 fois plus grande que la longueur physique des bras. Pour augmenter la puissance du laser circulant dans le détecteur — et ainsi réduire l’incertitude d’origine quantique sur le nombre de photons détectés en sortie (le « bruit de grenaille des photons ») –, un miroir de recyclage de puissance (« Power Recycling ») est inséré entre la source et la lame séparatrice. Ce miroir renvoie dans l’interféromètre la lumière réfléchie par la lame séparatrice qui, autrement, continuerait sa course dans la direction de la source laser : le facteur de recyclage de puissance correspondant vaut environ 40. Pour réduire encore plus le bruit de grenaille des photons qui limite la sensibilité aux hautes fréquences, Advanced Virgo utilise une technique basée sur les « états compressés de la lumière » (en anglais « Squeezing« ). Un état quantique particulier du vide du champ électrique, préparé avec soin, est injecté dans l’interféromètre via sa sortie.

Des informations supplémentaires sur les technologies de pointe utilisées pour améliorer la sensibilité d’Advanced Virgo sont décrites dans cette page.

Advanced Virgo alterne périodes de prises de données et d’améliorations, planifiées et coordonnées avec les deux détecteurs Advanced LIGO aux Etats-Unis — et, très bientôt, également avec le détecteur KAGRA au Japon. La Figure 2 montre une version à jour du planning des prochaines années pour le réseau global de détecteurs terrestres d’ondes gravitationnelles — les périodes de prise de données sont représentées par des bandes colorées, les periodes d’amélioration sont en blanc.

Figure 2 : Chronologie des phases de prise de données et d’amélioration pour le réseau mondial de détecteurs terrestres d’ondes gravitationnelles LIGO-Virgo-KAGRA. Ce tableau provient de la référence https://arxiv.org/abs/1304.0670, régulièrement mise à jour.

Advanced Virgo a rejoint les deux détecteurs Advanced LIGO pour la fin de la prise de données O2, en août 2017. À l’époque, les différences entre l’instrument et la configuration présentée sur la Figure 1 étaient les suivantes : pas de « squeezing », moins de puissance laser en entrée et les miroirs des cavités Fabry-Perot étaient suspendus par des fils métalliques (actuellement ce sont des fils en verre).

La prochaine phase d’amélioration prévue pour Virgo s’appelle Advanced Virgo Plus (AdV+). Elle sera réalisée en deux étapes : la Phase I d’abord, puis la Phase II. La mise en oeuvre d’ADV+ Phase I aura lieu entre les prises de données O3 et O4 tandis que la Phase II se déroulera entre les prises de données O4 et O5.

Parmi les nombreuses améliorations prévues, AdV+ Phase I devrait notamment voir l’installation d’un miroir de recyclage du signal (« Signal Recycling ») qui permettra d’améliorer la sensibilité du détecteur dans la gamme de fréquences moyennes et hautes. Ce miroir suspendu remplacera la lentille SR visible sur la Figure 1. De plus, la technique du squeezing sera perfectionnée grâce à l’ajout d’une cavité de filtrage Fabry-Perot de 300 m de long dans laquelle l’état compressé du vide quantique voyagera avant d’être injecté dans l’interféromètre. Cela permettra d’améliorer la sensibilité, non seulement à haute fréquence en abaissant le bruit de grenaille de photons (comme actuellement), mais aussi à basse fréquence en s’affranchissant de la pression de radiation due aux photons du laser pressant sur les miroirs.

La sensibilité d’un détecteur d’ondes gravitationnelles comme Advanced Virgo est souvent rapportée à un nombre unique, le « BNS range ». Il s’agit de la distance à laquelle le signal produit par la fusion d’un système de deux étoiles à neutrons (« BNS » pour « Binary Neutron Stars ») pesant chacune 1,4 masses solaires donne un rapport signal-sur-bruit de 8 avec la méthode du filtrage optimal de Wiener. Cette distance est moyennée sur toutes les positions possibles de la source dans le ciel et sur toutes les orientations possibles du système binaire. Ce BNS range s’exprime en mégaparsecs (Mpc), soit un million de parsecs — un parsec correspond à environ 3,26 années-lumière. Pour la prise de données O2, le BNS range d’Advanced Virgo était de l’ordre de 25 Mpc.  Pour O3, il a doublé pour atteindre 50 Mpc (cliquez ici pour voir son évolution au cours des 24 dernières heures). Et il est prévu qu’il dépasse les 200 Mpc au cours de O5, une fois atteinte la configuration finale de Virgo : ADV+ Phase II.

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