Alain Brillet, physicien, lauréat 2017 d’une médaille d’or du CNRS

(extract from the CNRS press release)

Le CNRS attribue pour 2017 deux médailles d’or : les physiciens Alain Brillet et Thibault Damour sont récompensés pour leurs contributions majeures à la détection des ondes gravitationnelles, annoncée pour la première fois le 11 février 20161. Par ses travaux sur les lasers stabilisés, Alain Brillet, visionnaire dans le développement des détecteurs d’ondes gravitationnelles, est l’un des pères de l’instrument européen Virgo. Les travaux théoriques de Thibault Damour, spécialiste des trous noirs et du rayonnement gravitationnel, ont été déterminants dans l’analyse des données des détecteurs d’ondes gravitationnelles. Cette récompense décernée par le collège de direction du CNRS, plus haute distinction scientifique française, leur sera remise le 14 décembre 2017 au cours d’une cérémonie au Collège de France.

Le 11 février 2016, une équipe internationale annonçait la première détection directe d’ondes gravitationnelles. Ces infimes ondulations de l’espace-temps, produites par la « valse » finale de deux trous noirs juste avant leur fusion, avaient été captées le 14 septembre 2015 par les détecteurs jumeaux LIGO2, situés aux États-Unis. Et il avait fallu plusieurs mois d’analyses par les scientifiques de la collaboration LIGO et leurs collègues de la collaboration Virgo (constituée autour du détecteur européen du même nom) pour confirmer l’existence des ondes gravitationnelles, un siècle après leur prédiction par Albert Einstein dans sa théorie de la relativité générale. Aujourd’hui, en attribuant deux médailles d’or, à Thibault Damour et à Alain Brillet, le CNRS salue l’excellence théorique et instrumentale qui a permis cette détection directe.

Alain Brillet, l’un des pères du détecteur Virgo

Né le 30 mars 1947 à Saint-Germain-en-Laye, Alain Brillet reçoit un diplôme d’ingénieur de l’ESPCI en 1970. Il entre au CNRS la même année comme ingénieur de recherche au Laboratoire de l’horloge atomique, à Orsay, où il soutient sa thèse en 1976. De retour en France après un post-doctorat dans l’équipe de John Hall (prix Nobel de physique en 2005), à Boulder (Colorado, Etats-Unis), il est nommé directeur de recherche par le CNRS en 1982. Avec l’Italien Adalberto Giazotto, il se consacre dès lors à la conception et à la promotion du détecteur d’ondes gravitationnelles Virgo, aujourd’hui installé à Cascina, près de Pise (Italie). Entre 1989 et 2003, il assure la direction puis la co-direction du consortium autour de ce grand instrument. A partir de 2008, il s’investit dans le design optique et la conception du système laser d’Advanced Virgo, le détecteur de seconde génération. Il est actuellement directeur de recherche émérite au CNRS, affecté au laboratoire Artemis (CNRS/Université Nice Sophia Antipolis/Observatoire de la Côte d’Azur). Alain Brillet est Chevalier de la légion d’honneur (2005) et ses travaux ont été récompensés en 2016 par le prix Ampère de l’Académie des sciences et, en tant que membre de la collaboration LIGO-Virgo, par le Special Breakthrough Prize in Fundamental Physics.

Dès le début de sa carrière, Alain Brillet s’intéresse aux lasers stabilisés sur des références atomiques ou moléculaires, un sujet alors complètement nouveau en France, dans le but de réaliser des étalons de fréquence ou de longueur de très haute stabilité. Grâce à une dextérité expérimentale et instrumentale exceptionnelle, il met en place, dès 1970, des techniques basées sur l’optique des faisceaux lasers (le laser étant une invention du début des années 1960). Au cours de son post-doctorat, il monte et mène seul une version améliorée de l’expérience de Michelson-Morley dans le but de tester l’isotropie de l’espace avec des lasers ultra-stabilisés : les résultats obtenus sont restés inégalés pendant plus de 25 ans et ont valu à Alain Brillet une renommée internationale. Ils sont encore fréquemment cités aujourd’hui par les chercheurs du domaine de la relativité.

Attiré très tôt par l’intérêt de la détection d’ondes gravitationnelles et par l’ampleur du défi scientifique et instrumental, il s’entoure d’autres spécialistes de l’instrumentation (Catherine-Nary Man) et de théoriciens de la gravitation (Philippe Tourrenc et Jean-Yves Vinet) et son équipe forme notamment David Shoemaker et Peter Fritschell, désormais des responsables de haut niveau de la collaboration LIGO. Dans le cadre de la conception de Virgo, il développe des solutions innovantes dans le domaine des lasers et de l’optique, pendant que son collègue Adalberto Giazotto s’occupe des systèmes de suspension permettant de découpler les miroirs des vibrations terrestres. Le projet, appuyé par une trentaine de théoriciens et expérimentateurs français et italiens, est présenté en 1989 au CNRS et à l’Institut national de physique nucléaire italien (INFN). Celui-ci approuvé, Alain Brillet coordonne les onze équipes françaises et italiennes impliquées, ainsi que les réflexions permanentes entre théoriciens, analyseurs de signaux et expérimentateurs, aussi bien chercheurs qu’ingénieurs.

La qualité de ses travaux compte pour beaucoup dans les liens étroits entre les équipes de LIGO et Virgo (échange de solutions techniques, analyse en commun des données obtenues). Cavités de filtrage spatial, ajout de quelques atomes sur la dernière des couches minces des miroirs pour y compenser les défauts de planéité (en collaboration avec Jean-Marie Mackowski), transfert de stabilité d’un laser à l’autre (injection de lasers) … : ses idées ont été reprises dans les interféromètres LIGO et Virgo, ainsi que pour le projet de détecteur d’ondes gravitationnelles de l’université de Tokyo, KAGRA. Depuis l’origine il est co-auteur de toutes les publications de la collaboration LIGO-Virgo.

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